Nan Goldin : un carnet de vie qui traite de la condition humaine

Assis au bord d’un lit un homme, torse nu, fume. Une partie de la joue et du cou est quasi surexposée. Pas le coussin sur lequel repose la tête d’une femme à l’arrière-plan, une femme qui le regarde avec tristesse ou colère, comme accrochée à lui. Où va le regard de l’homme ? en lui ? hors de lui ? pas vers la femme,  il lui semble étranger.

Il regarde hors-champ, aussi bien pour nous que pour elle. Hors champ, mais du côté de la source de lumière (les yeux apparemment baissés).

La tonalité est sombre et chaude, le vignettage centre le regard sur les deux individus. Un troisième homme est là, sur la photo punaisée au mur. Lui aussi une cigarette aux lèvres. Quand on s’attarde, on se dit que ce doit être une photo du même homme.

Cette photo fait partie d’un groupe de photos prises pendant et après l’amour par Nan Goldin, à l’aide d’un déclencheur souple (est-il tenu par la main droite qui repose sur les plis des draps ?). Elle fait partie d’une série intitulée : The Ballad of Sexual Dependency.

Nan Goldin est née en 1953 et a d’abord photographié ce qu’elle vivait, ceux avec qui elle vivait. Et comme elle vivait dans la marginalité de l’underground new-yorkais des années 80 fait de sexe, de drogue, de sida, de bisexualité, de « transgenre », c’est d’abord cela qu’elle nous donne à voir.

Dans l’épisode de Contacts que nous avons vu en classe, elle précise que la regarder comme la photographe d’un monde parallèle, marginal, c’est ne pas comprendre sa démarche. Son carnet de vie photographique est universel parce qu’il touche l’humanité dans ce qu’elle a de plus profond et intime – quel que soit le « genre de vie » : « S’il est vrai que ma famille a toujours été marginale et que nous refusons les normes de la société, je ne crois pas que mon travail parle de cela. Mes photos traitent de la condition humaine, de la douleur, et de la difficulté de survivre.  »

Ici nous nous interrogeons sur le couple et l’amour : le lien, la communauté, sont-ils possibles ? toujours ? L’amour n’est-il pas fait d’éclipses où chacun retourne à sa solitude ? Pourquoi cette dépendance à des êtres qui ne sont pas faits pour nous ?

Ce passage du philosophe français Emmanuel Levinas ne nous amène-t-il pas à creuser davantage encore cette photo :

« Marcel n’aima pas Albertine, si l’amour est une fusion avec autrui, extase d’un être devant les perfections de l’autre ou la paix de la possession. Demain il rompra avec le jeune femme qui l’ennuie. Il fera ce voyage depuis longtemps projeté. Le récit de l’amour de Marcel est doublé d’aveux destinés, semble-t-il, à mettre en question la consistance même de cet amour. Mais ce non-amour est précisément l’amour, la lutte avec l’insaisissable – la possession, cette absence d’Albertine -, sa présence. Par là le thème de la solitude acquiert un sens nouveau. Son événement réside dans son retournement en communication. Son désespoir est source d’espoir . » (Emmanuel Lévinas à propos d’A la Recherche du temps perdu de Marcel Proust, dans Noms propres, 1987)

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Ces années-là à New York, Nico, Lou Reed, après le Velvet Underground chantait toujours Femme Fatale 

Femme Fatale (Femme Fatale)

Here she comes, you better watch your step
La voila, tu ferais mieux de regarder où tu mets les pieds
She’s going to break your heart in two, it’s true
Elle va briser ton coeur en deux, c’est vrai
It’s not hard to realize
Ce n’est pas dur à réaliser
Just look into her false colored eyes
Regarde seulement ses faux yeux colorés
She builds you up to just put you down, what a clown
Elle te bâtit pour seulement te poser, quel clown
[Chorus]
[Refrain]
‘Cause everybody knows (She’s a femme fatale)
Parce que tout le monde sait (Elle est une femme fatale)
The things she does to please (She’s a femme fatale)
Les choses qu’elle fait pour plaire (Elle est une femme fatale)
She’s just a little tease (She’s a femme fatale)
Elle est juste un petit amuse-gueule (Elle est une femme fatale)
See the way she walks
Vois la façon dont elle marche
Hear the way she talks
Entends la façon dont elle parle

You’re written in her book
Tu es écrit dans son livre
You’re number 37, have a look
Tu es le numéro 37, jette un oeil
She’s going to smile to make you frown, what a clown
Elle va sourire pour te faire froncer les sourcils, quel clown
Little boy, she’s from the street
Petit garçon, elle est de la rue
Before you start, you’re already beat
Avant que tu commences, tu es déjà battu
She’s gonna play you for a fool, yes it’s true
Elle va te prendre pour un imbécile, c’est vrai

[Chorus]
[Refrain]

 

 

Duran Duran, aussi, dans les années 80 reprenait le morceau :

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